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Guidances

BE.SHARE : un réseau de chaleur innovant pour le quartier Nord?

La Commission Européenne a lancé un 3ieme appel à candidature dans le cadre de EUI (Européen Innovative Actions), axé sur des projets de « transition énergétique ». Incité par les partenaires de Be Sustainable et de Renolution, Bruxelles Environnement a saisi l’opportunité d’y répondre et a rassemblé ses différentes divisions concernées autour d’un projet innovant de réseau de chaleur basse température dans le Quartier Nord.

Tine Cooreman nous explique quelles innovations présente cette candidature et qu’en retenir pour passer à l’action.

 

Quel est votre rôle au sein de Bruxelles Environnement et quel rôle avez-vous pris dans la rédaction de cette candidature ? Quels sont les rôles des autres partenaires ?

Je coordonne les activités de l’équipe « Territoires en transition » de Bruxelles Environnement, active dans le domaine du « soutien à la transition » des pratiques des acteurs de l’aménagement du territoire et de la rénovation urbaine. La démarche Be Sustainable et les services du Facilitateur Quartier Durable sont les piliers principaux de cette mission de soutien depuis 2019. 

Je pilote depuis avril 2024 une candidature pour répondre à l’appel des European Innovative Actions Call 3, en proposant un projet de transition énergétique innovant à l’échelle du Quartier Nord. Le projet prévoit la mise en place d’un réseau de chaleur et de froid à basse température, et des unités de productions locales d’énergie décarbonée, notamment grâce à la géothermie (la chaleur naturelle de la terre) sous l’espace public et de la riothermie (qui récupère la chaleur émanant du réseau d’égouts local).

La candidature est une véritable coproduction entre le Facilitateur Quartier Durable, nos collègues de la division Energie, Air, Climat et de la division Autorisation, mais aussi avec une série de partenaires publics et privés qu’on a su rassembler. Il s’agit de Karno, opérateur privé de réseaux de chaleur, ainsi que de Sibelga et Vivaqua, deux intercommunales actives sur le domaine de la gestion de réseaux d’impétrants, qui voient leurs rôles et missions se modifier face aux défis de la décarbonation de la Région dans les décennies à venir. Nous complétons le partenariat avec le centre de recherche BRITE de la VUB qui assure un encadrement académique et via un appel à subside auprès d’associations actives sur l’interface entre le social et l’énergie.

EUI vise à subsidier des projets innovants et expérimentaux à la fois en termes de technologies, de gouvernances et/ou d’actions sociales. Avec sa participation à l’appel, Bruxelles Environnement a pour ambition d’inciter les partenaires publics et privés à évoluer dans leur rôles respectifs, notamment par rapport au développement de réseaux d’énergie thermique et de récolte de sources renouvelables sous l’espace public. Le projet permet aussi de déclencher une dynamique concrète et efficace dans le domaine, pour pouvoir à terme proposer ces solutions au service de toutes et tous. Ainsi, cette opportunité nous permet de tester un rôle d’initiateur d’un projet concret sur le terrain, en déclenchant une dynamique de transition énergétique qui peut se répéter, et de capitaliser pour nos missions législatives, de financement et d’autorisation de ces projets dans le futur.


Pourquoi s’être concentré sur le quartier Nord, le Boulevard Bolivar et l’avenue de l’Héliport en particulier ?

Comme dans les autres centres urbains en Europe, il devient évident pour tous et toutes que nous n’arriverons pas à décarboner les besoins en chaleur de notre dense ville-région, si chaque propriétaire doit trouver les sources d’énergie renouvelable et décarbonée sur sa propre parcelle. Des systèmes collectifs qui récupèrent une énergie renouvelable (présente sous les espaces publics) en la mettant à disposition de tous·tes, seront essentiels dans la feuille de route vers 2050. Ces systèmes collectifs permettent aussi d’atteindre une efficacité énergétique supérieure par rapport à un ensemble de systèmes individuels, et permettent de décentraliser la production en évitant ainsi de participer au risque de surcharge du réseau d’électricité centralisé.

Concernant la Région Bruxelles Capitale, le premier rapport du Task Force Energie 2050 que la division Energie de Bruxelles Environnement pilote avec Sibelga et Brugel, confirme l’énorme potentiel de réseaux de chaleur locale comme solution pour le chauffage pour presque l’entièreté du son territoire. Afin d’alimenter ces réseaux en énergie, le rapport conclut sur un vaste potentiel en géothermie fermée, qui s’avère particulièrement élevé dans les bas des vallées (Senne, Maelbeek, …). La récolte de calories des eaux usées au sein du réseau de grands collecteurs d’égouts dans ces mêmes vallées dispose également d’un potentiel non négligeable. Le projet EUI traduit ces solutions techniques dans un projet concret et expérimental sur le terrain, dans le Quartier Nord.

Le Quartier Nord est particulièrement intéressant car il dispose d’une variété de typologies de bâtiments et d’usages, avec des besoins en chaud et en froid parfois complémentaires : pendant certains moments de la journée ou de l’année, le réseau à basse température permettra notamment d’échanger directement de la chaleur entre une tour de bureaux vitrée surchauffée et un logement nécessitant encore du chauffage.

Réaliser ce projet dans le Quartier Nord permet aussi de mettre à disposition la chaleur décarbonée à une diversité d’usagers et occupant·es, y compris notamment les locataires des logements sociaux du Foyer Laekenois. Le volet social de notre projet EUI propose un accompagnement des locataires de ces logements et des travailleurs sociaux pour une meilleure compréhension du système mis en place, ainsi qu’un travail sur le changement des comportements énergétique des usager·ères.

 

L’opportunité apportée par l’EUI a-t-elle été accompagnée de challenges ou difficultés (échelle du projet, budget, temps…) ?

Le programme EUI prévoit un cofinancement royal couvrant 80 % des coûts du projet, avec un plafond de 5 millions d’euros, sous forme de paiements anticipés. Une fois le projet innovant sélectionné par l'Europe, on peut affirmer qu'ils nous aborderont avec une « grande confiance ».

Cependant, un projet européen vient avec un cadre d’implémentation assez strict. Une fois le projet accepté, nous disposerons de trois ans pour le mettre en place, ce qui sera un défi pour un projet de cette ampleur. En complément, la Commission Européenne souhaite que l’autorité urbaine et les partenaires capitalisent sur le sujet à travers un programme de monitoring et de reporting technique et en communiquant auprès des stakeholders locaux et internationaux. Nous avons d’ores et déjà établi des contacts avec différentes villes qui font face au même défi : Arnhem (NL), Nantes (F), ainsi que Bari et Triviso en Italie. 

Pendant la préparation de la candidature en été 2024, l’enveloppe de subside fermée 5 millions était un autre défi : Nous avons travaillé intensément, avec le Facilitateur Quartier Durable, avec Karno, Sibelga et Vivaqua et avec le bureau d’étude spécialisé Resolia, pour dimensionner le juste périmètre d’intervention en fonction de cette enveloppe budgétaire. Cette étape de la candidature a assurément permis d’accroitre l’expertise au sein de nos équipes internes à Bruxelles Environnement et au sein de celui du Facilitateur Quartier Durable, une expertise qui est déjà à mettre à disposition d’autres acteurs dans le cadre de nos guidance de Be Sustainable.  

 

Comment ce type de projet peut-il à terme s’étendre à d’autres quartiers bruxellois ?

Clairement - et c’est ce que conclut aussi la Task Force Energie 2050 - les solutions techniques, telles que le réseau local à basse température, la géothermie et riothermie sous l’espace public, se confirment comme des solutions adéquates pour beaucoup de quartiers à Bruxelles et ailleurs. Prochainement, le Task Force Energie 2050, finalisera son Plan Chaleur qui identifiera plus précisément dans quels quartiers la réplication de ces solutions est préférée. Nous voyons déjà un intérêt à une réplication dans d’autres quartiers de bureaux qui en reconversion vers des logements mixtes, comme le Quartier Européen.

Lors de la candidature, le Facilitateur Quartier Durable a déjà élaboré une vision pour l’extension du réseau au sein-même du Quartier Nord. Avec l’extension potentielle vers le sud du quartier, qui dispose d’ilots plus typiquement bruxellois – avec des maisons de maitre mitoyennes et une structure de propriétés privées parcellée – la solution technique ainsi que l’approche sociale devront s’adapter. Avec Bruxelles Environnement, et notamment à travers l’activation du Facilitateur Quartier Durable, nous sommes motivés à soutenir la réalisation de ces extensions locales, dès le dépôt de notre candidature.